Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les scaphandriers du siphon perdu

CR de la sortie à la source du groin du 10 mars 2025

Participants:  Pascal Dreux & Stéphane Simonet

Sauf mention contraire, les images sont de Stéphane Simonet

Et au milieu des bois coule une rivière souterraine....

Et au milieu des bois coule une rivière souterraine....

Certains endroits semblent dotés de la faculté étrange de se dérober sans cesse, de fuir votre regard en se perdant dans les méandres brumeux de votre mémoire, d’illusions en faux semblant…La source du Groin fait partie de ses lieux indéfinissables, on se rappelle y avoir plongé, on se souvient d’une ambiance mais les détails restent flous, comme à la sortie trop rapide d’un rêve. Peut être nous échappions nous de la Matrice…..
Cette magnifique plongée réalisée au Groin valait bien une telle introduction, voici pourquoi.

 

magnifique source, au coeur du Valromey.

magnifique source, au coeur du Valromey.

Tout avait commencé des jours avant, Pascal et votre serviteur pistant sur les diverses applications météo la bonne volonté du ciel ardéchois. Rien à faire, la pluie s’entêtait les jours précédent notre plongée au Peyraou de Chadouillet, et la perspective d’un portage toujours laborieux sous les gouttes ne nous emballait pas. Pire, la crue pourrait s’inviter, annulant toute immersion après 200 km depuis Lyon. 2 jours avant, la décision s’imposait, le Peyraou devrait attendre… Mais où plonger ? nos terrains de jeux du sud étant tous menacés de crue ou de visibilité fort dégradée…

le Groin, ce jour là, sa partie aérienne à sec....de l'autre côté du déversoir

le Groin, ce jour là, sa partie aérienne à sec....de l'autre côté du déversoir

Le plan B tardait à se préciser jusqu’à ce que, le curseur de ma souris errant sur la carte météo, une révélation ne se fasse jour : le Groin ! épargné par les trombes, le département de l’Ain allait bien mériter son chiffre de n°1. 

Les scaphandriers du siphon perdu

Pas de pluie récente, juste quelques gouttes épisodiques en soirée la veille, cette plongée pouvait se tenter, d’autant qu’un ami de Pascal, régional du coin, envoyait 2 photos d’une vasque pleine et apparemment claire…. Il ne fallait pas hésiter !

Les scaphandriers du siphon perdu

RDV donc à 6h30….à l’Etat-Major du SDMIS ! avant de partir plonger, je devais en effet rendre mon astreinte. Mon barda de plongeur dans le hall du 17 Rabelais, je rendais clé de voiture et téléphone de servitude, avant de le recharger dans la voiture de Pascal, ponctuel comme à son habitude.

Vers 9h nous étions à Artemare, à la recherche de croissants que nous ne trouvèrent jamais, la seule boulangerie (fort discrète) du cru ne fabriquant pas de viennoiseries le lundi…..le lundi, on fait du pain, point ! 

On réussit néanmoins à étancher notre soif de caféine dans un bar minimaliste, avec une serveuse tatouée comme un bande dessinée mais sympathique

Arrivé sur site, on mène une reconnaissance prudente pour évaluer le terrain, on se promet de bien rester à droite du champ pour ne pas risquer de s’embourber et bien évidemment, on colle les roues avant du Scénic de Pascal dans la gadoue, les pneus copieusement remplis de terre bien grasse refusent l’adhérence, on est planté… S’improvise alors un sauvetage digne du chef Chaudard, avec votre serviteur (encore !) dans le rôle de Pitivier, poussant sur le capot de la voiture en manquant de peu la glissade ou de prendre dans le museau les branches placées sous les roues….

les traces encore fraiches du plantage dans la boue....

les traces encore fraiches du plantage dans la boue....

-    Vous conduisez bien, chef !
-    Tais toi et pousse !
 

(Pour les plus jeunes lecteurs, qui n’auraient pas la référence, voir la 7ème compagnie )

Presque curieusement, on s’en sort bien et en moins de 10 minutes, la voiture est dégagée…
C’est pas tout ça, mais faut plonger ! et ça tombe bien, le niveau de la vasque est optimal, et l’eau transparente, ou pas loin. Pascal s’active aussitôt :
 

-    Mise en place d’une main courante pour aider au franchissement de la marche en bas du chemin
-    Spit posé pour tendre en travers du déversoir une corde pour clamper le matériel
 

Pascal au boulot, mise en place de la main courante....

Pascal au boulot, mise en place de la main courante....

... Pour aider à franchir ce pas un peu difficile, le terrain a glissé...

... Pour aider à franchir ce pas un peu difficile, le terrain a glissé...

vite fait, et bien fait, opérationnel, quoi !

vite fait, et bien fait, opérationnel, quoi !

Le grimpeur est opérationnel, j’ai à peine le temps de monter mes détendeurs et de descendre le recycleur que tout est en place. La lumière est « magique », l’eau fait figure d’émeraude au milieu des arbres endormis baignés par un soleil encore hésitant… Avec un peu d’imagination, Vivianne, sortant de la vasque, pourrait brandir Excalibur comme dans le film éponyme de John Boorman (heu oui désolé à nouveau pour la jeune génération, le film, excellent au demeurant, date de 1981… un jeune acteur d’origine irlandaise, célèbre aujourd’hui, y faisait une courte apparition dans le rôle de Gauvain…. Qui va trouver ?)

décor de film d'aventure , non ?

décor de film d'aventure , non ?

" et je vais poser un spit là..."

" et je vais poser un spit là..."

aussitôt dit.....

aussitôt dit.....

très humide, ce coin là.....

très humide, ce coin là.....

corde d'amarrage du matériel avec le carré flottant en place....

corde d'amarrage du matériel avec le carré flottant en place....

Nous sommes prêts à partir vers 10h30, une affaire rondement menée, même avec un sandow rebelle et un tour de coup fugueur pour Pascal, et un mousqueton voltigeur pour moi. Sans compter mon nouveau masque avec verres correcteurs, trop impatient qui décide d’aller plonger sans m’attendre…

quelques norias de matériel, et on sera bon....

quelques norias de matériel, et on sera bon....

Mais nous voilà transformés en spéléonaute, créature plus tout à fait terrestre mais bientôt « subcavernicole » :
-    Side mount avec 2 S80 pour Pascal
-    Recycleur ventral Triton avec double 7 litres latérales en redondance pour moi
 

très vite on entre dans le canyon, ou la galerie se verticalise....

très vite on entre dans le canyon, ou la galerie se verticalise....

En glissant le long de la pente sableuse, je souris intérieurement : l’eau est claire, la visibilité de plusieurs mètres, l’insaisissable Groin est à portée aujourd’hui. Les dernières crues ont emporté le morceau de fil d’Ariane reliant la câblette à l’extérieur (à l’étiage) et nous faisons un raccord avec un dévidoir.

un selfie avec la caméra, nous sommes sous terre, loin, loin....

un selfie avec la caméra, nous sommes sous terre, loin, loin....

Nous déverrouillons la serrure minérale de la source, et sur la pointe des palmes nous empruntons les sombres corridors qui aujourd’hui s’éclairent d’une clarté nouvelle. Dans ma mémoire, ma dernière plongée ici s’était effectuée presque en braille, la main sur le fil, devinant plus qu’autre chose un morceau de roche, une lame rocheuse...Un siphon en forme de puzzle, se livrant petits bouts par petits bouts.

on passe à côté de beaucoup de chose quand la visibilité n'est pas au RDV.

on passe à côté de beaucoup de chose quand la visibilité n'est pas au RDV.

Aujourd’hui, la galerie s’offre, se dévoile sans retenue ni pudeur : le souvenir d’un étroit couloir s’efface, c’est un vaste laminoir que nous empruntons aujourd’hui, Pascal en tête n’en revient pas, c’est magnifique.

Pascal progresse sous le plafond minéral, sous les faux reflets des vrais miroirs des bulles d'air piégées...

Pascal progresse sous le plafond minéral, sous les faux reflets des vrais miroirs des bulles d'air piégées...

Très vite la roche lisse et noire, toujours recouverte de ce limon jaune si caractéristique nous offre des lames d’érosion, des marmites ou dansent les galets les jours de crues, des failles, des formes étranges, presque biomécaniques à la H.R Giger.

chaque "corne" permet d'amarrer le fil d'Ariane, une câblette pour résister aux crues violentes du Groin.

chaque "corne" permet d'amarrer le fil d'Ariane, une câblette pour résister aux crues violentes du Groin.

Le canyon apparait, ici la galerie devient une faille verticale et étroite, menant à une étroiture puis à une lucarne en partie supérieure, où un plongeur à écrit 200 m avec son doigt, dans le dépôt ocre posé sur la roche obsidienne.

à défaut d'étiquette.....

à défaut d'étiquette.....

Je ne suis plus terrestre, mon esprit est tout entier focalisé sur ma plongée, sous terre, tout s’oublie. Je glisse dans l’ouverture, progresse dans ce laminoir désormais bas de plafond au-dessus des cupules d’érosion, des formes sculptées par la puissance hydraulique. 

le clair et le sombre alterne sans cesse dans ce siphon si particulier.

le clair et le sombre alterne sans cesse dans ce siphon si particulier.

Au loin des lumières dansent, lucioles apeurées dans l’obscurité. Ce sont les phares de Pascal qui m’attend, je suis plus lent que lui en recycleur, essayant en outre de capturer un peu de cette ambiance si particulière avec la Paralenz.

les lumières de Pascal, devant moi.

les lumières de Pascal, devant moi.

La progression reprend ; je pense que nous avons dépassé les 300 m, peut être même pas loin des 400 m. Pas facile de se repérer au Groin, même dans de l’eau claire je n’ai pas repéré le carrefour avec le shunt. Ne pas perdre la câblette de vue, ni le nord, qui oriente le siphon vers la suite.

précieux fil, à ne jamais perdre, si la touille venait à obscurcir l'eau au point de nous faire perdre la vue. il serait notre seul ticket de sortie...

précieux fil, à ne jamais perdre, si la touille venait à obscurcir l'eau au point de nous faire perdre la vue. il serait notre seul ticket de sortie...

Après 25 minutes environ de progression, le verdict tombe, les quarts sont atteints sur les blocs de mon binôme, il faut renoncer. Pascal m’informe et fait demi-tour, je le regarde s’éloigner et jette un regard vers ce siphon qui m’échappe encore aujourd’hui, l’appel est puissant mais il faudra revenir avec un second recycleur pour découvrir d’autres pièces de ce puzzle mouvant… en plongeant au bon moment….

il est temps de faire demi tour

il est temps de faire demi tour

Les scaphandriers du siphon perdu
l'esprit s'égare vite dans ce monde étrange.....

l'esprit s'égare vite dans ce monde étrange.....

Les RDV avec le Groin sont rares, il faut les apprécier…
Je rattrape Pascal, et éteint mes phares pour le deviner en ombres chinoises évoluer dans ces arcanes minérales…quel spectacle !
 

sur le chemin du retour.

sur le chemin du retour.

les bulles des plongeurs précédents, ou peut être les notres, s'étirent comme du mercure au plafond.

les bulles des plongeurs précédents, ou peut être les notres, s'étirent comme du mercure au plafond.

Nous rentrons en prenant notre temps, les S80 sont encore bien remplies et le recycleur m’offre encore une autonomie confortable. Pascal m’indique sur sa main gauche un départ de fil annexe, peut-être la fameuse galerie des lyonnais, aval que je n’avais vu jusqu’à présent… En fait non, en revoyant la vidéo tournée, la fameuse galerie est bien plus loin, ce départ doit être celui indiqué proche de la sortie avec un « ? » sur la topo. Comme quoi, la rivière joue encore un peu avec nous, la mémoire se fragmente et il faut se raccrocher à la carte micro SD de la caméra qui, elle, ne se trompe pas.

Les scaphandriers du siphon perdu
Les scaphandriers du siphon perdu
le départ de cette fameuse galerie....

le départ de cette fameuse galerie....

Nous parcourons la galerie en sens inverse, la visibilité est toujours bonne et les 8°C de l’eau s’oublient, en partie grâce aux chauffages sous les vêtements étanches.

toujours quelque chose à observer, même au retour

toujours quelque chose à observer, même au retour

La fin du siphon est toujours un vrai moment de bonheur, la lumière verte de la vasque nous donne cette impression de plonger dans la menthe à l’eau. Les reflets du soleil dansent sur le sable pendant les 3 minutes du palier de principe, qui serviront aussi à redevenir terrestre… Cerveau en mode ON, retour au monde réel, nous sortons de la Matrice (?)…

derrière Pascal qui rembobine son fil, la lèvre qui s'ouvre sur la vasque couleur émeraude...

derrière Pascal qui rembobine son fil, la lèvre qui s'ouvre sur la vasque couleur émeraude...

la sortie.....

la sortie.....

les sourires parlent d'eux même, Pascal veut déjà y retourner...

les sourires parlent d'eux même, Pascal veut déjà y retourner...

Très belle plongée, désolé les copains que vous l’ayez raté. Mais le Groin est là depuis longtemps et sera suffisamment patient pour vous attendre, nous reviendrons, au bon moment pour emprunter à nouveau cette galerie magnifique, quand les planètes subaquatiques s’aligneront de nouveau…

jusqu'à la prochaine fois....

jusqu'à la prochaine fois....

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article