Compte rendu de la sortie ASSP Plongée à Bormes les Mimosas, du 21 au 23 avril 2023
Participants : Sylvain Dupuy ( organisateur & DP) Joëlle Dupuy Gilles Froment Jérôme Froment Stéphane Simonet Alexandre Simonet Philippe Moya Maryline Gueydon Eric Bernard Véronique Orenga de Gaffory Edgar Royon Florence Royon Hervé Lichtfouse Pascal Dreux
Accompagnants : Isabelle Froment Odile Meygret Pascal Meygret Lara Meygret Geneviève Sansoni-Simonet Françoise Lichtfouse Soon
Sauf mention contraire, les images sont de Gilles Froment
Quand le ciel haut et clair s’éclaire au-dessus de nos têtes
Sur nos esprits bondissant sur les purs délices
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous sert un week-end chantant tel un divin calice
Quand en fin de semaine parmi les mimosas de Bormes
Entre l’hôtel de la plage si amène et Aquabormes
Nous séjournons sous les feuillages pour un moment hors normes….
Le 10ème séjour à l’HDLP valait bien de se risquer à paraphraser Charles Baudelaire, même si je ne peux prétendre approcher son talent. Hé oui rappelez vous : Porquerolles 0, Bormes 1 - Le blog de l'A.S.S.P Plongée (over-blog.com). C’était il y a 10 ans, nous posions nos sacs pour la première fois à l’HDLP. De Spleen il ne fut jamais question ici, et ce séjour ne fit pas exception à la règle….
Certains d’entre nous prirent même un peu de « rab », arrivant la veille ou même s’octroyant quelques jours au Dramont, poussant le vice jusqu’en Italie, vers un village baigné par les eaux d’un golf clair où malgré son nom la gène est absente….Mais ça, on vous en parlera plus tard.
Pour l’heure, les plongées commencent ce vendredi après midi par une immersion sur les lieux d’un drame, l’ilôt de la Fourmigue du Lavandou. En provencal, une « fourmigue », c’est un écueil dangereux pour la navigation, et le caillou au centre de la baie du Lavandou porte bien son nom….
Vous sachant friand d’histoire maritime et de fortune de mer, remontez avec moi jusqu’en…1887.
Le 9 octobre pour être plus précis, et cette nuit là le ciel bas et lourd du poète se déchaine, déversant des torrents de pluie noire sur la Méditerranée. Dans le hurlement du vent et le roulement des vagues, le Spahis, 526 tonneaux, 53 m de long pour un peu moins de 8 m de large, trace avec peine sa route depuis Bastia.
C’est un navire construit en 1864 par la Compagnie de Navigation Mixte. Pourquoi mixte, me demanderez vous ? Et bien parce que ce vaisseau utilise une propulsion à vapeur, mêlant l’eau et l’éther pour activer les 480 Cv de son moteur….Utiliser de l’éther, inflammable, toxique, irritant et narcotique ne semble pas être l’idée du siècle…. C4 H10 O présente un point d’ébullition à 35°C, est restée à la postérité comme un anesthésique à l’odeur si particulière, les plus anciens d’entre nous s’en souviennent… Utiliser cet oxyde de diéthyle pour faire tourner un moteur fut vite abandonné, l’expérience de laboratoire peinant à fonctionner correctement dans la vraie vie.
Pour l’anecdote, les amoureux de la Croix-Valmer connaissent un autre navire utilisant ce principe mixte, le Tell, coulé le 25 octobre 1913 à 100 m de la roche Fouras, en direction du Cap Camarat.
Revenons à cette nuit d’octobre 1887, où le Spahis trace son sillage dans une mer démontée depuis la Corse, après une escale à Livourne et Nice. Le commandant Lota devait être en passerelle, pour veiller sur ses 80 passagers et diriger ses 20 hommes d’équipage. Les nuages chargés de pluie et d’électricité lui masquèrent le feu du cap Bénat et sans GPS ni sondeur, se fiant aux cartes imprécises de l’époque, il ne vit que bien trop tard les roches écumantes de la Fourmigue. Le bateau heurta le fond avec violence, la proue sombra presque immédiatement, piégeant les passagers qui tentaient de dormir en cabines… Les autres, peut être malades ou ne pouvant dormir, restés sur le pont rallièrent l’ilot minuscule à la nage ou restèrent cramponnés à la poupe encore émergée, tous trempés sous les paquets de mer s’acharnant sur eux…. La nuit fut longue……
à peine arrivés sur le fond, ce serran écriture Serranus scriba vient aux nouvelles.... la nuit ses couleurs changent bien que ses "dessins" soient conservés...il faudrait qu'on aille vérifier...
Au petit matin, des barques de pêcheurs vinrent récupérer les 22 rescapés toujours agrippés à l’épave du Spahis. On retrouva des cadavres jusqu’à l’ile du Levant….
en fouillant un peu dans les roches autour de l'épave, on découvre cette ascidie rouge Halocynthia papillosa. Elle est symbiotique d'algues rouges microscopiques qui vivent dans sa tunique et lui confèrent sa couleur.
Lorsque l’on plonge aujourd’hui sur la proue du bateau, seule partie a peu prêt intacte d’une quinzaine de mètres, on oublie toujours ceux qui ont péri lors du naufrage. L’eau claire, les poissons et les belles concrétions sur les bossoirs n’orientent pas le plongeur vers de funestes pensées…
sur les bossoirs de l'épave, voici une éponge encroutante bleue Phorbas tenacior. Les éponges sont des animaux filtreurs qui se nourrissent de microparticules : bactéries, algues unicellulaires, débris organiques, ne dépassant en général pas 3 microns. Le courant d’eau nécessaire est créé par le mouvement de cellules ciliées spécifiques des éponges : les choanocytes.
du bleu passons à l'orange, avec cette clathria veinée ou Clathria (Microciona) strepsitoxa. du moins je le suppose car de nombreuses éponges rouges revêtantes peuvent ressembler à Clathria (Microciona) strepsitoxa : Clathria (Microciona) atrasanguinea, Antho (Antho) inconstans, Crambe crambe ou Spirastrella cunctatrix. Une identification visuelle devient par conséquent très difficile et seule une observation des spicules au microscope permettra de différencier ces espèces.
on vire au jaune avec cette axinelle verruqueuse Axinella verrucosa. Cette éponge est étudiée en médecine pour sa composition alcaloïde. Elle entre par exemple dans la composition de remèdes contre le cholestérol.
un spirographe, Sabella spallanzanii, en plein action de filtration.Spirographe : de l'ancien nom de genre Spirographis. Selon certains, ce nom de genre vient du latin [spirare ] = respirer et du grec [graphis] = stylet, pinceau. Ce mélange de racines grecques et latines désignerait donc un ver « qui respire au moyen de branchies en panache ». Mais quand on a eu la patience de guetter un spirographe rétracté, de le laisser s'épanouir sans le tripoter et de le voir déployer à contre-jour le magnifique dessin à double révolution de son panache branchial, on préfère imaginer que Viviani s'est inspiré du grec [speira] = enroulement, spirale et [graphein] = tracer, dessiner : ce ver dessine des spirales !
Le spirographe est un consommateur suspensivore* microphage. Des bandelettes ciliées acheminent la nourriture le long de l'axe du panache où s'effectue un tri. Les particules les plus grosses sont rejetées. Ce qui est comestible (algues, bactéries, plancton) est ingéré, ce qui ne l'est pas est excrété vers la base du tube puis expulsé vers le haut par une gouttière ciliée.
restons dans la famille des vers annélides avec ce protule à boule, Apomatus similis. cette espèce est très sensible aux vibrations et à la lumière : elle se rétracte dans son tube dès qu'on l'approche ou qu'elle reçoit un éclair de flash.
un dernier spirographe, à proximité d'algues feuille de pierre encroutantes Lithophyllum incrustans. Cette espèce, dite pérennante, peut vivre entre 20 et 100 ans
Surtout lorsqu’on démarre l’exploration par une assistance gilet, un moniteur pervers ayant demandé au futur niveau 2 la réalisation d’une simulation de remontée assistée afin de démontrer sa maitrise technique… L’exercice réalisé, la palanque pu jouir de la ballade sur l’épave et les environs, riches en débris divers. L’eau à 14°C mit fin à la plongée au bout de 45 minutes, les sacs paliers crevèrent la surface au nord de l’ilot, pour permettra la récupération par l’Astéria.
Pascal vient au secours de Stéphane.....seulement pour un exercice ! savoir assister un autre plongeur pour le ramener en surface permet de plongée en sécurité et ouvre les portes de l'autonomie.... Capture Paralenz, image Alexandre Simonet.
Pascal et Lara, futurs niveaux 2, durent encore subir une discussion passionnante sur la saturation en gaz des compartiments résumant le corps humain, menée par votre serviteur, à qui n’échappa pas la lueur d’envie dans leurs yeux devant la bière et les chips les défiant sur la table voisine….
Période et sursaturation critique, quand tu nous tiens….
Douche bien chaude, repas gourmand et nuit réparatrice permirent la poursuite du WE sur l’Arsinoé, vecteur plus confortable et disposant de douches également chaudes, fort appréciées par certains qui sortir quasi livides de la plongée de samedi matin… Plongée qui s’effectua sur la pointe du Vaisseau, au sud est de l’ile de Port Cros. Les barracudas de la dernière fois brillèrent par leur absence, et cette immersion fut peut être la moins jolie du Week end, l’après midi se déroulant sur une autre pointe, celle de la Galère, au nord est cette fois, qui nous offrit une jolie plongée côté tombant avec mérous et nudibranches, et des araignées de mer en prime, véloces et au caractère affirmé…
une rascasse rouge, Scorpaena notata, posée embusquée sur la roche.Les rascasses sont toujours très bien camouflées et immobiles, ce qui les rend difficiles à apercevoir et augmente le nombre d’accidents, qui sont cependant sans gravité. La rascasse fait confiance à son camouflage, et reste parfois immobile même lorsqu’on s'approche à quelques centimètres. Elle se contente alors de dresser sa nageoire dorsale à série d’épines venimeuses.
voici son cousin, le chapon, Scorpaena scrofa. Comme tous les venins des rascasses, celui-ci est thermolabile. Une source de chaleur supérieure ou égale à 50 °C, à proximité, ou sur la zone envenimée, détruit les principes actifs du venin. Cette espèce est, de par sa taille, la rascasse méditerranéenne la plus impressionnante. Elle est bien connue des plongeurs car facile à approcher.
autre poisson paré de rouge, un apogon Apogon imberbis.La bathymétrie est sujette à des variations saisonnières : proches de la surface (de 10 à 50 mètres) en été, les apogons descendent jusqu'à 200 mètres en hiver.
une langouste rouge Palinurus elephas se cache à trou.En aucun cas le plongeur ne saisira les antennes d'une langouste ! Il risquerait de briser ces appendices sensoriels relativement fragiles et importants pour l'animal. Tout au plus il pourra avancer ses doigts et laisser le crustacé explorer la surface des appendices charnus de cet étrange vertébré amphibie..
Et surtout une baudroie, débusquée par Gilles, photographe au regard affuté…. L’animal (la baudroie, pas Gilles) plutôt locataire des abysses, remonte rarement dans des zones accessibles en plongée. Cependant, lorsqu’elle s’aventure dans des eaux peu profondes, la baudroie arrive à capturer des mouettes ou des goélands…
voici en plus gros plan la baudroie, Lophius piscatorius, qu'on a retrouvé jusqu'à 1800 m de profondeur.
la voici d'encore plus prêt, le premier rayon de la nageoire dorsale, entre les yeux est bien visible....
il porte à son extrémité un lambeau de peau agité comme un leurre devant l'énorme bouche, pour attirer les poissons.
gros plan sur l'oeil de la baudroie.....La taille, chez l'adulte, est comprise entre 70 et 200 cm. Le poids des grands individus avoisine les 40 kg, pour un maximum enregistré de 58 kg
bravo à notre photographe, Gilles toujours derrière l'objectif et rarement devant. cela valait bien un portrait. photo Sylvain Dupuy
Ce poisson…moche, n’hésitons pas à le dire, est appelé lotte lorsqu’il arrive, décapité, sur l’étal du poissonnier…. Pour arriver à le vendre, on n’hésite pas à lui faire subir un guillotinage en règle. On pêche en Europe environ 32 000 tonnes de baudroies par an, mais l’espèce ne semble pas menacée…
menacée, elle n'hésite pas à faire face ! L'adulte peut mesurer entre 85 et 200 mm et peser de 250 g à 3000 g selon les individus. L'animal atteint sa taille adulte vers deux ans et la conservera durant cinq à six ans.
La couleur de cette araignée, variant du brun-rouge au brun-jaune, l'aide bien au camouflage, mais l'araignée le parfait en se recouvrant d'algues, d'éponges, d'hydraires, de petites anémones, de mollusques, de crustacés, d'ascidies, de bryozoaires parfois d'échinodermes, tout ce monde la rendant parfois difficile à voir.
celle là m'a donné du fil à retordre, il s'agit d'une pseudodistoma corse ou Pseudodistoma cyrnusense. cette ascidie est aussi appelé couenne de mer tachetée.
Ce samedi soir fut marqué par une fièvre pédagogique, les moniteurs du club dissertant à loisir avant le repas sur les épreuves et le savoir être à valider pour le niveau fédéral. Après bien des échanges d’arguments, pour s’apercevoir que finalement nous étions tous d’accord, le niveau 2 de Pascal fut validé et remis par le président à l’intéressé après le repas du soir.
Grand moment d’émotion comme il se doit, partagé dans la convivialité dans le salon de l’HDLP, sans excès, bien sûr !
Philippe contrôle ses paramètres: durée, profondeur, paliers, pression d'air, tout doit être géré...
remontée à bord d'Arsinoé avec un mélange de décompression à 70 % d'oxygène, pour améliorer la désaturation.
La dernière plongée était la plus attendue, celle qui ne déçoit jamais, La Gabinière. Arsinoé, ne pouvant mouiller sur le tombant est, nous largue à la volée à la limite de la calanque aux loups presque sur un banc de corbs, la plongée commence bien. Filant vers 30 m de profondeur, toute la faune est au RDV, mérous, sars, murènes, araignées, nudibranches, dentis et dorades grises. Profusion de vie sur ce caillou, dernière terre avant la Corse. La plongée ici se savoure, il faut prendre son temps, chaque regard débusque une merveille. Dans l’eau transparente et calme, la progression ascendante calme les ordinateurs et nous amène tranquillement dans la calanque sombre, point de jonction avec Arsinoé. 10 ou 15 m plus bas, alors que nous attaquons la décompression, j’aperçois un plongeur recycleur qui traine un peu en profondeur. La Gabinière en recycleur, dans l’eau chaude de l’été, sans limite de temps…. Un rêve.
les gorgones rouges de la Gabinière Paramuricea clavata, On a trouvé dans cette espèce du diméthyltryptamine (N,N-diméthyltryptamine) ou DMT. C'est une substance psychotrope puissante ! alors ajoutez à cela la narcose en profondeur, les gorgones ont un charme...indéfinissable !
des plus gros, comme les mérous, passons maintenant aux plus petits, comme les nudibranches qu'il faut pister sur le substrat...
comme cette doris tricolore Felimare tricolor. La détermination* (mettre un nom sur une espèce bien identifiée !) de cette « limace bleue » de Méditerranée et d’Atlantique proche reste un casse tête pour les plongeurs biologistes et les scientifiques qui sont amenés à travailler dessus. La nécessité d’avoir un nom précis sur les espèces étudiées, par les biochimistes, les écologistes entre autres, est capitale. Mais la description trop imprécise du premier auteur (Cantraine, 1835) est à l’origine d’innombrables erreurs et révisions du nom de ce doris et du genre Hypselodoris. donc il est possible que je me trompe en nommant ce nudibranche, ne m'en veuillez pas !
celui là est plus facile à identifier à coup sûr, c'est un doris géant Felimare picta. c'est le plus long doris de Méditerranée, il peut atteindre 20 cm de long.
aucun doute non plus sur cette doris dalmatienne, Peltodoris atromaculata, le nom semble évident... Elle sécrète des substances toxiques (sesquiterpènes, polyacétylènes) pour sa défense ainsi que des spicules calcaires qui lui confèrent un aspect granuleux : les taches brunes signalant qu'elle est immangeable sont donc amplement justifiées ! Les substances répulsives sont relâchées sous forme d'un épais mucus afin qu'elles ne se diluent pas trop vite dans l'eau. Un nuage blanc peut ainsi être observé se dégageant d'un animal dérangé (éviter de faire l'expérience tout de même)
et là cela se complique, nous voici ches les flabellines. celle-ci doit être une Edmundsella pedata. Comme la plupart des éolidiens, Edmundsella pedata récupère les cnidocytes* (les cellules urticantes) embryonnaires des cnidaires qu'elle consomme. Ces cellules sont conservées, intactes, dans des réserves appelées cnidosacs* et situées sur le dos, à l'extrémité des cérates*. Elles deviennent ainsi le moyen de défense de l'animal qui s'est approprié ces éléments à son propre usage. Dès lors et eu égard à l'efficacité de cette arme de défense, on ne connaît pas vraiment de prédateur à la coryphelle.
toujours petites et fixées aux rochers, voici des grandes clavelines ou Clavelina lepadiformis. Ces clavelines sont étudiées pour les propriétés cardio-vasculaires d'une substance qu'elles sécrètent : la lépadiformine
ce ruban moirée est une bonellie verte ou Bonellia viridis. Le pigment vert appelé bonelline a été étudié pour ses propriétés antibiotiques. Cette substance a des effets toxiques puissants gradués sur bon nombre d'organismes. Il semble avoir une relation entre le niveau de toxicité et l'intensité lumineuse qui éclaire la trompe. le Mâme ne mesure que quelques mm et vit sur le corps de la femelle.
Et c’est la fin du WE, trop court comme d’habitude. Restent des souvenirs, des impressions, des images et ce CR.
à gauche du bateau, un Pascalis Meygreliformis, nageur endémique de Méditerranée qui affectionne les eaux plutôt fraiches, en se baignant dans une flotte à 15°C en arrivant à nous persuader qu'elle est bonne..... Photo Florence Royon
Ainsi qu’une certitude, nous reviendrons encore à l’HDLP cette année, puisque que pour cet anniversaire, 10 ans, nous avons programmé un second séjour en octobre prochain. Alors à vos agendas, et pour finir comme j’ai commencé, tout ne sera qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.