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16 septembre 2010 4 16 /09 /septembre /2010 15:04

 



Compte rendu de sortie en plongée souterraine au Bief Noir le 20 août 2010

 

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                        le torrent.

Sauf mention contraire, toutes les photos sont de Gilles Froment

 

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                         Un plongeur perdu en forêt ?

Participants : Gilles Froment, Stéphane Simonet

-25 m. La visibilité s’est réduite à 30cm et je peine pour lire mes instruments. Les leds déchirent péniblement le brouillard aquatique qui m’entoure, me plongeant dans une ambiance boueuse et dense. Le bilan n’est pas fameux : je n’arriverai jamais à l’étroiture vers -41 m. J’ai pu récupérer quelques mètres de fils d’Ariane délités dans le « bidon glouton », et tirer sans pouvoir l’attacher 25 mètres de fil propre, mon lien vers la sortie. Et ce relais de nitrox 32 dont le 1er étage se met à fuir sans raison apparente…. Les manos des 7 litres sont difficiles à lire, mais je sais que j’ai largement de quoi sortir.

Pour comprendre comment j’en suis arrivé là, un bond en arrière s’impose…

 

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                      le portage du matériel

Il s’agit d’une sortie spéléo comme l’ASSP plongée sait si bien les organiser : un truc de dingue à la limite de la psychiatrie !

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Dubitatif devant le matériel.....   photo Stéphane Simonet



Après une première reconnaissance en 2000 de Gilles avec Pascal Meygret, ce dernier avait ré équipé jusqu’à 30m en bi 15 à l’anglaise pendant que Gilles se morfondait en surface, après l’implacable blocage d’un sinus frontal à -6,50m.



Puis en 2003, Gilles et moi avions refait une plongée de reconnaissance au Bief Noir, au cœur du Jura, dans les gorges du Flumen : une plongée en combinaison humide, dans l’eau à 7°C nous avait convaincus de revenir en étanche, avec du matériel adapté. Car ici, le plus compliqué c’est de se mettre à l’eau. Il faut franchir un petit ruisseau, puis une cascade à sec composée de gros blocs instables, escalader un ressaut couvert de mousse, descendre dans la grotte sur des roches glissantes, et négocier un puits de 3m avant de toucher l’eau….

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                    le dispositif de mise à l'eau.

Nous sommes donc revenus avec le matériel indispensable : échelle pliante, cordes, jumards, poulies, etc… tous ce qu’il faut pour descendre matériel et plongeurs dans la petite vasque. Arrivés vers 10h 30 sur place, ce n’est que vers 16 h que je m’immerge enfin après avoir acheminé les 6 bouteilles nécessaires à la plongée. Nous avons vu large, une fois de plus : outre nos blocs personnels, montés en latéral pour négocier les passages étroits, nous avons acheminé dans l’eau un 15litres d’oxygène pur et un 10 litres de nitrox 32. Je suis en bi 7L portés en relais sur la Wings et Gilles en bi 18 de la même façon, à cause d’une certaine étroitesse des lieux…

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                    Gilles installe le palan nécessaire pour descendre les blocs      photo Stéphane Simonet

La plongée se déroule en légère altitude (480 m) et les efforts avant et après l’immersion sont particulièrement intenses…..

Je fonds littéralement dans l’étanche. S’immerger, vite ! Je dois évaluer le fil d’Ariane en place, le récupérer si besoin et le remplacer par un fil propre jusqu’à la 1ère étroiture à 40m, afin que Gilles puisse ensuite tenter le franchissement. J’en profite pour déposer l’oxygène à -6m. J’emmène, outre mes 2 blocs de 7 litres, le nitrox 32, deux dévidoirs et le bidon glouton (dispositif permettant de récupérer du fil facilement).

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                    Descente de Stéphane dans le puits, grâce à l'échelle.

La galerie est une cheminée d’équilibre de la résurgence des eaux du gouffre du Picard, situé à 4Km, à 580m d’altitude, selon les informations que nous avons pu recueillir. C’est une sorte de tube étroit incliné à 45°. La visibilité ne dépasse pas un mètre. Je m’aperçois vite que le fil en place est détendu, délité, et sournois : par endroit des boucles se sont formées, autant de pièges potentiels. Je décide donc d’enlever ce vieux fil et de tirer un fil neuf et plus costaud pour que Gilles dispose d’un cheminement clair pour s’immerger, avec une visibilité probablement encore plus mauvaise.

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                    l'eau de la vasque, à 6°C.

Ce vieux fil est curieux car a priori métré tous les 2m, même si toutes les étiquettes ne sont plus sur le fil.

Ce n’est pas celui posé par Pascal en 2000, ni nous en 2003. Il a dû être tiré aux environs de –35m, car l’étiquette « 74 » avait été retrouvée la semaine précédente lors de la préparation et la vérification de l’équipement de la cavité par Gilles. L’étiquette était coincée avec un morceau de fil dans les rochers à sec, 3m au-dessus du plan d’eau. Conséquence de crues antérieures…



Je progresse les palmes en avant (le demi tour est plutôt difficile dans ce tube aux dimensions réduites), me laisse tomber de quelques mètres, bloque le dévidoir, puis ravale le vieux fil en jouant du sécateur et du bidon glouton. Ça prend du temps, le chrono tourne.

Et vers – 25m, « La visibilité s’est réduite à 30cm et je peine pour lire mes instruments…. »

Je décide de m’arrêter là. Je bloque le dévidoir, et entame ma remontée. Parfois ça coince, il faut progresser doucement dans la touille. Je reste zen car le fil que je suis est sûr et mène directement à la surface, et mon autonomie en gaz est confortable. Je retrouve l’oxygène qui a glissé vers 7m, et réalise 5’ de déco, complètement gelé.

J’émerge dans la vasque où je retrouve Gilles, prêt à partir. Je lui raconte ma progression, et il part à son tour en plongée. Laissons lui la plume :

divers 048                    Gilles se prépare à l'entrée du trou.            photo Stéphane Simonet

Stéphane est parti depuis 45mn et cela fait au moins 10 ou 15mn que je bataille dans la vasque sans appuis au fond pour récupérer l’inflateur de mon vêtement étanche qui s’est mis à un endroit inaccessible. Impossible à attraper, il faut décapeler ma wings avec la 3L d’air attachée dessus. La manœuvre réussit et je suis prêt avec mes 18L attachées en relais latéral au moment où Stéphane émerge.

Le trou se défend et il n’a pu aller aussi loin que prévu. Fil existant en vrac et pratiquement rien pour attacher le nouveau fil.

La roche est très lisse, sans becquet, et il y a très peu de cailloux pour faire des amarrages précaires. La cavité a une forme ovoïde de 1,50 à 2m de haut et souvent moins d’1m de large. Le fond est souvent pincé en risquant de rendre le fil inaccessible par endroit. Je décide donc de fiabiliser l’équipement de Stéphane, puis j’essaierai de le prolonger.

Prévoyant ces difficultés déjà identifiées en 2003, nous avons amené une gueuse d’acier de 14 Kg pour faire un point fixe correct à un endroit. Elle est placée sur un petit replat vers 4 ou 5m de profondeur. Le fil que nous installons fait 4 ou 5mm de diamètre et est solidement tendu du départ jusqu’à la gueuse.

Voulant ne pas avoir à refaire l’équipement lors d’une prochaine plongée, je mets beaucoup de temps pour parfaire la fixation du reste fil et ce n’est qu’au bout de 35mn que je rejoins le dévidoir posé par Stéphane à 23m ! Ce n’est pas du rapide, mais il n’y a pratiquement rien pour attacher !! Il me faudra 10mn de plus pour aller jusqu’à 33m, en fin de dévidoir de gros fil, à peu près là où s’arrête l’ancien fil. Cela fait 45mn que je suis parti et le froid commence à se faire sentir, car la plongée est plutôt statique.

L’objectif initial était que Stéphane rééquipe jusqu’à une assez sévère étroiture à -41m, pour que je la tente ensuite en grosses bouteilles pour aller reconnaître la suite profonde, mais ce ne sera pas pour cette fois.

La cavité a été reconnue jusqu’à -85m il y a déjà quelques paires années par d’illustres plongeurs de la région. C’est très cher vu le contexte du portage, du froid, de la visibilité qui se dégrade très vite, d’une déco à majorer pour l’altitude (480m) et….sans doute d’une autre étroiture vers -70m.

Je n’ai plus trop de temps devant moi et je décide d’aller revoir rapidement l’étroiture sans perdre trop de temps à rattacher un fil propre. Ce sera à faire pour les prochains et la cavité n’est donc équipée en fixe que jusqu’à -33m.

J’arrive vite dans la zone des -40m, toujours à reculons, le nez dans le sens de la sortie, car ne connaissant pas suffisamment la cavité pour savoir si je pourrais faire facilement un ½ tour.

La dernière fois, en 2003, j’étais en bi 9 et en humide. Cela passait, mais j’avais gardé un souvenir mitigé de l’expérience, avec une visibilité contestable. Cette fois, en étanche et en bi 18 sanglés en relais, donc normalement un peu moins épais, cela devrait passer aussi.

Le passage n’est pas rectiligne, mais légèrement en baïonnette, avec décalage vers la droite (en reculant). Je suis à -41m et le froid commence à s’insinuer sérieusement en mois. Un coup d’œil à l’ordinateur de plongée me donne un coup d’adrénaline, car il a traduit le prix de ma très lente descente. Je suis à 57mn de plongée et il m’indique 63mn de décompression. Dans de l’eau à 8° sans chauffage et un peu gelé avant d’attaquer la remontée, cela va être longuet.



Je n’ai pas vraiment vu le bon passage. Je sais que cela pince sur la droite (nez dans le sens du retour), que les palmes butent dans une étroiture en arrière vers le bas, et que la visi dans ce trou sans courant s’annule assez rapidement. Je commence à entamer le retour en jetant un dernier œil en arrière et j’aperçois comme une lucarne carrée, un peu en hauteur, en rive droite. Le passage est peut-être là, mais il faudra revenir pour le savoir.

Je fais un ou deux essais de gabarit dans la portion étroite, afin d’estimer si je pourrais passer avec mon recycleur, plutôt un peu plus encombrant qu’un gros bi, et n’en ressort pas très sûr. Le gros avantage de l’absence de bulles me fera sans doute opter pour cette option, ne serait-ce que pour garder la visibilité nécessaire au repérage des lieux. Et aux mélanges pour gommer les histoires sordides de narcose et d’essoufflement qui n’agrémentent que très peu ces plongées somme toutes assez techniques.

La suite est comme prévu, longue et fraîche, mais plus supportable que prévu.

Je sors dans la petite vasque de 3-4 m² du puits au bout de 120mn.

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                        Stéphane dans la vasque.

Il est 20h22, et nous venons de terminer la première moitié de la journée.


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                l'entrée du trou, c'est la haut !

Pendant ce temps, j’ai remonté mon matériel et la 10 litres de nitrox traitresse en haut du puits.

Au retour de Gilles, nous sortons pour nous changer à la voiture. Il est environ 20h30. Il va nous falloir près de 4 heures d’efforts pour sortir au palan les bouteilles du trou, les redescendre de l’autre côté de la cascade de tuf de 7-8m en haut de laquelle l’entrée de la cavité est perchée, en rappel sur un huit descendeur, les acheminer dans les rochers du lit à sec du torrent de l’exutoire du Bief Noir, traverser au meilleur gué le vrai petit torrent qui dévale de la montagne. Une par une sur les blocs seront emmenés sur une claie de portage jusqu’à la voiture, à la frontale, souvent à la limite de la gamelle. D’ailleurs, Gilles s’en fit une petite quand même ! Sans gravité.

C’est vers 3 heures du matin que nous poserons enfin la tête sur l’oreiller.



Je profite de ce compte rendu pour un appel solennel : si vous aimez la nature sauvage, le goût de l’effort, les sorties peu banales, n’hésitez pas à venir avec nous, on vous enrôle comme porteurs de choc !!!!!



On y retournera sûrement un jour, mais pas tout de suite…

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