Compte rendu de la sortie à Bormes les Mimosas, du 22 au 24 octobre 2021
Participants : Sylvain ( organisateur) et Joëlle Dupuy Gilles froment Jérôme Froment Célia Froment Hervé Lichtfouse Patrick Clerc Pascal Meygret Lara Meygret Maryline Gueydon Stéphane Simonet Geneviève Sansoni Simonet Arielle Cuzin Thierry Mourice Edgar Royon Florence Royon Philippe Moya
Accompagnants : Isabelle Froment Odile Meygret Françoise Lichtfouse Pierre-Alexandre Gueydon
Sauf mention contraire, toutes les images sont de Gilles Froment
Aquabormes et HDLP furent une fois de plus le duo gagnant de ce WE désormais mythique à Bormes les Mimosas, organisé comme il se doit par notre président préféré. On ne change rien et on garde les bonnes habitudes : hôtel de charme, club sympa, plongées d’exception malgré une météo chahutée où rien n’était gagné d’avance…on a joué, on a gagné….
La mer ressemble à une flaque d’huile…Une huile toute bleue qui joue avec les rayons du soleil, renvoyant des scintillements de rivière de diamant à nos yeux bridés par la lumière… Arsinoé vient de stopper ses moteurs à l’aplomb d’une falaise sous-marine, à la pointe du Vaisseau, sur la face la plus sud de l’ile de Port -Cros. Cet éperon rocheux ressemble à s’y méprendre à une coque de grand navire, si toutefois on pouvait l’embrasser d’un seul regard dans une eau suffisamment claire.
Phantasme de plongeur….
Bloc sur le dos, on se dandine en pingouin endimanché jusqu’à la mise à l’eau, tel l’albatros de Charles Baudelaire : il nous faut retrouver un liquide 800 fois plus dense que l’air, à 38 grammes de sel par litre, pour retrouver cette sensation de liberté et d’apesanteur si agréable….
Le corps s’adapte à la pression qui s’empare de lui, le souffle devient profond et l’esprit se contente alors de l’essentiel : regarder…
Suivre l’arrête main droite, qu’il a dit au briefing le monsieur… 3 coups de palmes et nous voilà vers – 20 m au-dessus du vide, surplombant la paroi qui sonde vers le sable, 20 autres mètres plus bas. Un mérou brun passe l’air de rien à portée de caméra, faussement indifférent. – 25 m – 30 m le sable se rapproche, le bleu se fait plus intense, les 4 kg de pression au cm² écrasent les 7 mm de ma néoprène et je glisse doucement dans un état zen…narcotique ?
un béret basque ou Codium bursa: c'est bien une algue.... à côté git renversé un ormeau ou oreille de mer (Haliotis tuberculata f. lamellosa) si vous en voyez un vivant, n'essayer pas de l'arracher à son rocher, cela pourrait le tuer, cet animal est hémophile...
C’est la volée de flèches vif argent, décochée au ralenti qui me tire de ma torpeur subaquatique.
gardiens de l'éperon rocheux, les barracudas tournent au ralenti, suspendus dans le bleu. photo Stéphane Simonet ( Capture Paralenz)
Sphyraena viridensis…. Ou bécune à gueule jaune…. Enfin plus simplement pour nous…Barracudas !
Devant nous la palanqué d’Hervé nage dans un banc presque immobile, suspendu par d’invisibles fils, dans leur position favorite, en tête de roche. Ils sont presque indifférents aux plongeurs, pouvant les semer à discrétion avec plus de 40 km/h en vitesse de pointe. Ils ont décidé de rester parmi ces cracheurs de bulles bruyant et maladroits, qui s’entêtent à leur griller la rétine à grand coup de phare. Petit à petit les plongeurs remontent plus haut sur le tombant, et nous nous retrouvons seuls avec Geneviève en RDV particulier…
L’azote se répand dans nos organismes sous la force de la pression, des tissus gavés n’en peuvent plus tandis que d’autres chargent encore les molécules du gaz découvert par Rutherford en 1772…ça nous rajeunit pas…
À nos poignets, les algorithmes calculent et tournent en boucle pour nous sortir un profil de remontée…
comment se lasser du spectacle ? Geneviève se fond dans la ronde... photo Stéphane Simonet ( capture Paralenz)
On abandonne un peu le repère rassurant de la paroi pour se hasarder dans le bleu avec nos copains prognathes, qui entament une ronde calme et posée autour de nous. Entre 20 et 23 bandes noires sur le corps fuselé, miroir vivant qui nous renvoie le moindre éclat de lumière, l’animal impose l’admiration, voir la fascination…. Les minutes passent mais l’intérêt reste intact, on n’ira pas plus loin, on reste là en suspens, calé dans nos stabs pour s’émerveiller du manège.
Les algorithmes additionnent, saturent, tournent, tournent….
Le spectre lumineux du soleil se diffusent entre les molécules d’eau et les écailles des poissons, presque immobile nous ne consommons rien et les aiguilles des manomètres restent optimistes. Encore un peu… Un peu de bleu, de lumière fugace, sans pesanteur pour nous clouer au sol ; encore un peu de rêve…..
La danse hypnotique des barracudas nous a maintenu en profondeur longtemps, peut être un peu trop… je vérifie le cerveau électronique qui travaille pour moi, 6 minutes de décompression…. Un coup d’œil à celui de Geneviève me ramène brutalement à la réalité : 11 minutes.
Rien d’alarmant, mais il faut regagner des cieux moins saturant à présent, retour au sommet de l’éperon donc et direction le mouillage, retrouvé sans difficulté. Tout le monde est là, on s’installe pour la décompression. Mon ordinateur est renseigné avec de l’air pour mélange fond et un nitrox 70 en décompression : il m’indique donc un TTS (Temps Total Surface) intégrant la respiration de ce mélange de décompression. Celui de Geneviève ne réfléchit qu’avec de l’air, et impose donc en toute logique un temps de désaturation plus long… Les algos ne se trompent pas, nos cerveaux peuvent parfois eux se faire abuser… par le charme magnétique des barracudas qui dansent…
Emersion.
Retour du bruit, de cette fichue pesanteur qui me ralentie pour grimper à l’échelle, d’autant qu’il faut se presser, d’autres plongeurs, sans doute charmés eux aussi, sont sortis plus loin que de raison et attendent le taxi…
En bas, sans doute, un vieux barracuda sourit…
Retour au port, rangement des équipements dans les fameux cageots, et direction l’hôtel pour la douche, la bière et le repas, dans cet ordre. L’ambiance est au beau fixe, mais le sommeil nous rattrape et chacun s’en va retrouver Morphée.
Samedi matin, un peu plus de monde sur le bateau mais il est suffisamment spacieux et chaque club dispose de son bord, bâbord pour nous a décidé le DP. La mer bouge un peu plus, petite houle tranquille qui nous autorise pendant le trajet jusqu’à l’ilot de la Gabinière une causerie avec les PE 40 m formés ou en devenir. Je rassemble auprès de moi Célia, Lara et Patrick et m’improvise professeur des écoles avec ma petite ardoise. Je commence par leur présenter Henry, William de son prénom, chimiste de Sa Majesté, membre de la Royal Society s’il vous plait qui plancha en son temps sur la dissolution des gaz dans les liquides, et qui en profita au passage pour laisser à la postérité la loi qui porte son nom. Si la pratique sans théorie est aveugle, la théorie sans pratique n’en est pas moins stupide, et c’est pourquoi à l’ASSP nous jugeons bon de marier les 2.
Et c’est donc partie pour les courbes de dissolutions, les périodes et autres compartiments assaisonnés aux facteurs de saturation, 7 comme les nains de Blanche Neige. Je stoppe après 40 minutes, jugeant que mon auditoire attentif et brillant en a assez, d’autant que les moteurs ralentissent signe que nous atteignons notre destination.
Allons donc mettre en pratique la dissolution des molécules d’azote dans notre organisme !
Le sec de la Gabinière, accessible mais requérant une navigation et une gestion de l’air un peu pointues est délaissé au profit de la calanque, riche en mérous curieux et autres sars en bande.
Assez pauvre au début, la plongée se termine au final avec une belle variété de poissons typiques de la Méditerranée.
on passe souvent devant les oursins sans les regarder, on a tort, heureusement que notre photographe à l'oeil...
L’après midi, les choses se corsent quelque peu. La mer se lève, le vent se renforce, et pour plonger à l’abri il nous faudra retourner à la Gabinière, sur l’autre face en revanche. Certain(e)s jettent l’éponge et préfèrent se tourner vers des activités plus touristiques. Les accros, les mordus, eux attachent solidement leurs blocs… Arsinoé sort du port et commence à tanguer. Arielle, pharmacopée ingérée, lunettes « boarding glasses » sur le nez et concentration maximale sur la ligne d’horizon, reste stoïque et parvient à gérer les farces de son oreille interne. Respect, Dame Arielle, pour la pugnacité et le courage dont vous fîtes preuve face à l’assaut des éléments. Et pardon pour les taquineries de ces incorrigibles pompiers, qui, bien évidemment n’en rate pas une…
Bien rincés et bien brassés, nous arrivons au-dessus de « mérouville ». Faut dire que des Epinephelus marginatus on allait en croiser sur cette plongée. D’éboulis en éboulis, les mérous sont chez eux, nombreux, curieux…Parfois trop ! l’un de ces débonnaires poissons quitta son abri rocheux pour foncer sur Arielle (qui avait posé ses boarding glasses, rassurez-vous) évoluant parfaitement stabilisée au-dessus du fond. Le bestiau était gros et semblait intéressé par l’étui du sac palier de notre miss, qu’il devait prendre pour quelques victuailles à gober. Arielle avait beau remonter et lui mettre la lumière de son phare dans les yeux, le bougre s’entêtait… Je ne pouvais pas manquer de filmer ce flirt imprévu…D’ailleurs, en relisant la fiche Doris du mérou, il s’avère qu’en guise de parade nuptiale, le mérou mâle poursuit sa femelle qui regagne la surface en spirale…
M’interposant pour mettre fin à cette histoire sans lendemain possible, je laissais Arielle regagner le giron de Thierry qui en rigole encore….
Retrouvant Philippe à genou devant un chapon de belle taille, j’aperçois non loin Gilles et Jérôme en plein conversation avec un autre mérou littéralement collé à l’objectif photo de Gilles. Ce même poisson viendra ensuite se faire gratter la tête et le menton par Philippe, puis par moi, comme un gros matou en manque de caresses… Familiers, les Epinephelus à la Gabinière….
et pendant ce temps là je filme, relais de nitrox à la bretelle. il en faut du barda pour ramener des images....
Dans la zone des paliers, ce sera un festival de sars, corbs, serrans et autres dorades. Pas pressés de quitter la zone, on rallongera volontiers la déco sous nitrox….
Il nous fallait donc regagner le continent, dans une mer davantage creusée par Eole. Retour sportif, avec en point d’interrogation, la plongée de dimanche matin…
le soir, second assaut pédagogique, tout le monde s'est joint aux PE 40 par solidarité. je raconte des plongées catastrophes, à grand renfort de pneumo gramme et d'hypercapnie...Edgar parachève cet "apéro de la peur" par la description de l'Oedème Aigu d'Immersion, un truc vicelard qui colle les miquettes..... .
Elle eu lieu.
Mais elle se méritait, puisque que RDV sur le quai à 7h 30, il fait à peine jour…. Arsinoé danse à quelques encablures, cela brasse trop même au quai, il faudra embarquer fissa avec le minimum de matériel : les relais de nitrox et l’encombrant éclairage vidéo reste au local, on ne prend que le minimum. Arsinoé creuse son sillage dans une mer grise et hachée, et pour la première fois sans doute de son histoire l’ASSP a droit à un lever de soleil en pleine mer sur l’horizon, la lune encore accrochée haut dans le ciel de l’autre côté…
Le soleil à rendez vous avec la lune
Mais la lune n'est pas là et le soleil l'attend
Ici bas souvent chacun pour sa chacune
Chacun doit en faire autant
La lune est là, la lune est là
La lune est là mais le soleil ne la voit pas
Pour la trouver, il faut la nuit
Il faut la nuit mais le soleil ne le sait pas et toujours luit
Le soleil à rendez vous avec la lune
Mais la lune n'est pas là et le soleil l'attend
La chanson de Trenet dans la tête, je m’accroche comme je peux pour filmer la venue de l’astre solaire, sous les paquets de mer qui me tombe dessus…
À bord personne ne bronche, et je regagne ma place à 4 pattes pour ranger la caméra, c’est dire si ça bouge… Second coup de cagoule pour Arielle, imperturbable…
Pascal, Patrick et Philippe en profitent pour finir la nuit, bercés par ce roulis, ou ce tangage, je ne sais plus…
La pointe de la Galère nous offre un abri relatif, mais étroit : pas question de faire surface trop loin du bateau sous peine de se retrouver dans une lessiveuse. Il faut aller chercher le tombant à la palme et bien revenir au mouillage, ou du moins dans la calanque, sous parachute.
On saute à l’eau et l’on palme un instant en surface avant de s’immerger vers l’arrête rocheuse. Quasi immédiatement on croise des barracudas et des corbs en maraude. Je pousse plus loin sur l’herbier pour chercher le tombant et la plongée commence : il fait sombre mais les murènes sont à trous, et les boules de sars ou de dorades nous attendent vers le sable aux alentours de – 30 m.
Ambiance crépusculaire mais cette plongée reste sympathique, la faune y est abondante et variée. Durant le retour je montre 2 œufs de roussette à Philippe, intimement liés à la gorgone qui leur sert de crèche.
On retrouve Gilles, Pascal et Jérôme à mi-parcours, et après une hésitation sur la navigation, on rentre vers la calanque, pour réaliser la décompression. Nous sortons les derniers, pour constater l’état de la mer qui ne s’est pas arrangé : heureusement tout le monde est là.
Le soleil, qui a raté son RDV avec la lune, est maitre du ciel et allume la crête des vagues d’un joli vert jade quand les rouleaux s’amorcent… Sylvain en ex marin évalue la hauteur des creux à presque 2 m, heureusement qu’Arsinoé dispose de la puissance nécessaire pour tracer son sillage dans ce maelstrom. Ça n’empêche pas une plongeuse « du club d’en face » de céder aux outrages de la naupathie, arcboutée au bastingage sous les paquets de mer. Ces collègues étant déjà changés, Sylvain et moi restons à côté d’elle au cas où…
Nous avons sauvé 4 plongées, dégusté les excellents plats de l’HDLP et renoué avec plaisir les contacts au sein du club : WE parfait, merci à tous pour la participation et la bonne humeur qui régna tel Attila sur notre séjour à Bormes.
Et merci au GO de déjà préparer Bormes 2022….