Compte rendu du week-end du 4 au 6 octobre 2013, Plan B, à Bormes les Mimosas
Une palanquée en descente dans le bleu, photographiée par Gilles Froment.
Participants : Sylvain et Joëlle Dupuy, Thierry Mourice, Arielle Cuzin, Hervé Lichtfouse, Gilles Froment, Edgar Royon, Florence Royon, Thibaut Royon, Stéphane Simonet, Olivier Thévenon, Maryline Gueydon
Accompagnateurs : Monique Royon, Sébastien Beauquis, Julie Eyraud, Agathe , Isabelle Froment
Tout commença par un coup de téléphone, un après midi : le séjour tant attendu sur Porquerolles, désormais classique, venait de s’évaporer à l’horizon, dispersé par quelques mauvaises rafales de vent soufflées par un djinn méphitique…Branle bas de combat, activation du réseau, les téléphones chauffent pour sauver un week end moribond avant d’avoir commencé…C’était sans compter la pugnacité du GO, qui, bien que l’esprit préoccupé par quelques formalités administratives et professionnelles, su trouver hôtel et club de plongée disponibles en quelques heures…Porquerolles resta donc un relief sur l’horizon, c’est à Bormes et face aux Iles que nous débarquâmes en force…
Départ 6h 00 de Lyon, ou presque, pas tout à fait endormis mais pas encore réveillés, du sable plein les yeux ( un peu bouffis, les yeux ) pour rallier Bormes les Mimosas. 6 heures plus tard, les yeux grands ouverts, caféïnés et pleins d’ardeur, nous vérifions l’adage bien connu : « horizon pas net, reste à la buvette ». Sur l’échelle de Mr Beaufort ( le météorologue, pas le fromager ), le ventilateur s’est emballé à force 7, rafale 8. Un coup d’œil au port suffit à se rendre compte que sortir en mer n’est pas envisageable….
Thierry, Olivier et Isabelle prennent la mesure des éléments.... ça souffle ! photo Gilles Froment
Seuls quelques kites surfers et autres windsurfers aguerris bravent les rouleaux qui déferlent sur la plage. La capitainerie choisit d’ailleurs de condamner l’accès aux bassins, il paraît que la mer passe par dessus la digue…. Bien sur, nous allons jeter un coup d’œil… Rapidement les voitures sont rincées à l’eau de mer, c’est donc bien vrai…..Les pendilles des bateaux sont doublées, les aussières renforcées et malgré cela les voiliers de 15 m s’agitent dans le port comme des glaçons dans un verre de mojito agrippé par un parkinsonien…
La digue peine à stopper les vagues, et derrière on sent les embruns.... Photo Gilles Froment
Sur la jetée, ça mouille….. La mer est grise et sale : en colère, elle a pris la « peau du diable », agacée par un vent que plus rien n’arrête… Ambiance tempête pour ce vendredi après midi….. Au club AquaBormes, qui doit nous embarquer pour plonger, l’ambiance reste relaxe : « ça va tomber dans la nuit, demain on sort ». En essuyant le sel déposé par les embruns sur mes lunettes, j’ai comme un doute…
A défaut d’immersion, c’est dans le vieux village de Bormes que nous partons en exploration. Le jour s’enfuit en toute discrétion, et dans les ruelles du vieux village, on se laisse prendre au charme des vieilles pierres… Un porche, un passage sous voûte, quelques marches usées à force de pas nonchalants et on bascule dans une ambiance moyenâgeuse, décalée, presque hors du temps…
Douce errance dans le vieux village, où les vieilles pierres dégagent des ondes positives.... Photo Stéphane Simonet
Des lumières chaudes courent sur les pierres taillées, des halos incertains embrassent les frondaisons, le charme est certain….
Une terrasse de restaurant inédite sous un porche chaleureux photo Stéphane Simonet
Et puis le numérique reprend ses droits, des rumeurs électroniques circulent, des bruits de SMS emplissent l’air, il y a tout à coup comme une poussée de tension, l’air s’épaissit, quelque chose tourne sans vouloir se poser entre les murs de Bormes… Comme chantait un certain Jean-Jacques G.: « il y avait quelque chose dans l'air, quelque chose de bizarre... »
Pas de golf clair pour une mer aux reflets d'argent cette fin de journée là...... photo Gilles Froment
Au loin, la mer est blanche de rage, ça ne s’arrange pas…. Pourrons nous plonger ? Rien n’est moins sur…
On verra demain. Direction l’hôtel, où les messages et autres textos se mettent à gaver les iphones, s’étant enfin décidés à atterrir après avoir errer dans les limbes de la grande Toile… C’est officiel, avéré, vérifié, recoupé : notre président devient lieutenant, il va devoir coudre un barrette de plus sur son kermel ! Tout émus le bougre ! on le sent vaciller un instant, avant de se reprendre : le champagne devra couler, c’est dit !
Pour l’heure, repas à l’hôtel de la plage, excellent d’ailleurs, et hop, tout le monde au dodo, non sans avoir vidé une « coupette » à la santé du nouveau galonné.
Dans la nuit, les éclairs illuminent nos chambres, et c’est un déluge que n’aurait pas renié Noé qui s’abat sur la côte… Autant dire que je n’y crois plus, a t on un jeu de tarots quelque part… ? La malchance s’acharne, ce djinn doit être puissant et soutenu par quelque engeance infernale, adieu plongée, bonjour ciré…..
Et puis, sans y croire vraiment, le réveil à 7h nous lève face un événement inattendu : Eole s’est calmé, le ciel est gris mais apaisé, toutes ses larmes ont coulé cette nuit, diluant la colère de Neptune. Le patron du club, ignorant donc les prévisions des ordinateurs surpuissants et les modèles mathématiques compliqués de Météo France, avait raison : aujourd’hui nous serons en mer….
... à bord de l'Arsinoé, catamaran confortable où 40 plongeurs cohabitent sans stress....Photo Edgar Royon
Direction Port-Cros. Bien sur, il y a encore une houle résiduelle et durant le trajet certains regrettent cette troisième tartine ou ce jus d’orange un peu trop acide pris au petit déjeuner… D’autant que le passage entre Héliopolis et la tour génoise de Port Man s’avère remuant.
Stéphane, Maryline et Sylvain pendant le trajet vers Port-Cros Photo Gilles Froment
L’Arsinoé s’immobilise derrière la Gabinière, sur une face que nous n’avons pas l’habitude d’explorer. Détendeur en bouche et caisson étanche de l’APN pris sans conviction, nous redoutons l’immersion dans une eau de la même couleur que notre café au lait du matin…
Tête à tête avec une girelle, dés la mise à l'eau.Son nom vient du mot provençal "gyr" qui signifie "tournoiement". C'est dire si ce poisson est véloce.... et peu facile à cadrer ! photo Stéphane Simonet
Un pas avant au dessus de la surface, laisser la gravité faire le reste, et…. Du bleu ! improbable, transparent, clair, celui des grands jours, celui qui permet de deviner les barracudas sous l’écume…
L'Ilot de la Gabinière, vu de Port-Cros: un spot célèbre ! source internet
Pour l’heure, ce sont mérous et corbs qui nous accueillent sur le fond. Plutôt rares et discrets d’habitude, ces poissons magnifiques sont ici en nombre et peu farouches ; On peut s’en approcher sans trop de difficultés pour admirer les reflets mordorés courant sur leurs écailles.
Plongée d'exception, les corbs se faisant rares d'habitude. on ne peut espérer les voir finalement que dans les réserves, où ils fréquentent la zone 0 à 30 m. L'hiver, ils descendent plus bas, jusqu'à 180 m. Photo Stéphane SImonet
la robe couleur bronze des adultes est splendide. les juvéniles, eux présentent des nageoires pelviennes surdimensionnées d'un noir corbeau, d'où le nom de ce poisson. Photo Stéphane Simonet
Superbe surprise pour cette première plongée, que Maryline conclura par un magnifique envoi de sac palier au dévidoir.
Maryline en apesanteur au dessus de l'herbier de posidonies photo Stéphane Simonet
Retour à bord d'Arsinoé pour Edgar, aidé par Isabelle, le marin du bord, efficace.... photo Gilles Froment
L’après-midi, retour à Port-Cros. Arielle, déterminée, décide malgré le mal de mer du matin de retenter la traversée, aidée dans son entreprise par la pharmacopée moderne, qui est sensée rendre calmes les flots les plus tumultueux. Direction la pointe de la galère, éperon rocheux se prolongeant sous la mer jusque vers 35 m environ. Les palanqués sont légèrement remaniées, et sitôt les consignes données par Sylvain, nous sautons dans une eau…. Saturée de méduses ! il y en a pour tous les goûts, des petites, des grosses, des violettes, des brunes, vivantes ou en partie grignotées par les poissons. Sur l’arrête, le courant est fort et pousse toute cette gelée vivante vers le large. Accrochés d’une main à la roche, tenant le caisson dans l’autre, nous tentons de photographier et filmer cette dérive organique, que des mulets énormes traversent sans hésiter. Après 2 ou 3 minutes, il est temps de sonder vers le fond, sans dépasser les 30 m fixés par notre DP.
Sans phare, toutes ces couleurs resteraient nimbées de bleu, et on passerait à côté sans profiter du spectacle. Sous l'eau la lumière naturelle est réfléchie (une partie est renvoyée par la surface, qui agit comme un miroir), réfractée (le rayon lumineux change d'angle à l'interface air/eau), absorbée (son intensité diminue car son énergie est transformée en chaleur) et enfin diffusée ( par les particules en suspension ). Ainsi à 20 m de profondeur, il ne subsiste que 7% environ de la lumière du jour... Et comme les couleurs aux longueurs d'ondes élevées ( Rouge, jaune etc ) disparaissent en premier, on ne voit, sans phare, que du bleu........ photo Stéphane Simonet
L’eau est plus chargée que le matin est la lumière plus diffuse, et très vite le bleu prend le dessus. Heureusement, nous sommes bien équipés niveau éclairage, et nous réanimons très vite les rouges, les jaunes, les violets et les mauves des concrétions du tombant.
Gilles illumine une gorgone, ravivant sa couleur pourpre. photo Stéphane Simonet
Pour qui sait regarder, le spectacle est magnifique, tellement la roche est saturée de couleurs. Très vite un chapon énorme se laisse débusquer et photographier, bientôt suivi par un second.
Gare à l'épine dorsale de cette rascasse, venimeuse à souhait ! photo Stéphane Simonet
Vient ensuite le tour des nudibranches, des gorgones, et des mérous. Les secondes défilent vite, se transformant en minute toujours trop brèves.
Cette hervia processionnaire ne mesure que 2 ou 3 cm, mais n'échappa pas à l'objectif d'Hervé Lichtfouse
Les mérous furent nos compagnons à chaque plongée. celui-ci, peu farouche se laissa tirer le portrait par Hervé.
Voici une porcelaine, mollusque nocturne et rarissime, donc protégé. Elle fut débusquée par Gilles qui nous offre ainsi ce cliché. La "fleur" visible au dessus à droite pourrait être en fait un ver appelé myxicola aesthetica....
Il faut perdre de la profondeur et se rapprocher de la surface : sortant de l’abri du tombant, le courant nous cueille comme les méduses de tout à l’heure. Il faut forcer sur les palmes pour progresser. Soudain, un éclair dans un ciel bleu nuit, c’est le premier barracudas qui passe au dessus de nous, noyé dans nos bulles. De nouveau, dans la zone de décompression, c’est le « méduse run ». Heureusement que la plupart ne chasse pas, les longs filaments bardés de cellules urticantes ne sont pas déployés… Gilles en profite pour envoyer son sac palier, histoire de se faire repérer par la sécurité de surface. Après 3 minutes réglementaires de dé saturation imposée par l’OSTC et autre Némo Excel, surface...
Et retour au bateau à travers les méduses, sans problème. Sérieux, le club récupère nos paramètres et renseigne pour nous les feuilles de palanqués. Sitôt les blocs posés et les palmes ôtées, c’est la ruée sur les madeleines de Thierry et les m&m’s de Maryline. Edgar, grand amateur de douceur pure beurre, savoure en fin gourmet le gâteau favori du Marcel le plus célèbre de la littérature, sous l’œil amusé de Thibaut et Florence, sourire radieux et regard d’azur.
Florence, ravie de sa reprise d'activité, dans les bras de son frère photo Stéphane Simonet
Très belle journée, inespérée tant la météo de la veille laisser inaugurer un retour anticipé en Rhône Alpes.
Quelques images qui bougent, souvenirs de cette sortie....
Après le repas, toujours succulent, chacun papote un peu avant de rejoindre Morphée pour un repos régénérateur.
L'hôtel de la plage, à 300 m du port, fut notre base arrière pour ce WE. photo Edgar Royon
Dimanche matin, c’est à 7h 15 que nous nous retrouvons au petit déjeuner, car nous partons tôt pour échapper à la foule : RDV au local du club pour 8h, départ dans la foulée pour …Port-Cros, jamais 2 sans 3. Traversée zen, la mer s’est calmée et la chimie fonctionne bien….. C’est sur la pointe du vaisseau que nous faisons nos canards, pour cette dernière plongée du séjour. Après quelques essais subaquatico photographico artistico collectif ( plus communément appelé « photo de groupe » ) dirigés par Sylvain et Olivier, nous prenons nos palmes à nos cous pour rejoindre le tombant.
Ok pour tout le monde, Florence en haut à gauche et Sylvain en bas à droite, le reste de la palanquée suit.... Photos Hervé Lichtfouse
Ce mérou semblait nous attendre, posé sur le sable blanc..... après quelques flahs d'Hervé, il est allé finir sa sieste ailleur.....
A – 38 m, à la jonction de la roche et du sable, nous découvrons une superbe nacre fichée dans le substrat. Les poissons sont légions, les mérous présents. La visibilité est telle que du fond on embrasse du regard le tombant et les plongeurs évoluant dessus….qui ne remarquent d’ailleurs pas le banc de barracudas qui dansent au-dessus d’eux…
Il faut parfois lever la tête pour appercevoir les barracudas, souvent tournant au sommet des roches. photo Gilles Froment
Ce n’est d’ailleurs que plus tard, le fond abandonné, que je tomberai dans la spirale des bécunes, au détour d’une tête de roche, entre la mi profondeur et le palier.
Certains, plus bas, à 40 m, auront une vision plus morbide : le cadavre d’un dauphin, blafard, couché sur le sable. De l’animal rieur symbole du grand bleu, il ne reste rien…
Cette éponge bleue ou Oscarella Lobularis se rencontre jusqu'à 30 m de profondeur. Photo Gilles Froment
Bouquet d'anémones jaunes encroutantes, d'éponges épineuses orange et d'oscarella tirant sur le violet. photo Stéphane Simonet
Derniers paliers, dernières bulles expirées, dernier clichés : il faut franchir la surface et regagner l’Arsinoé, histoire de vérifier s’il ne reste pas quelques madeleines au fond du sac…
Photo de groupe désormais classique,tout le monde a le sourire..... Photo Aquaborme ( Isabelle)
Exit donc Porquerolles pour cette fois, nous y retournons, c’est certain, dans un autre format sans doute. Mais nos pas retournerons aussi sous les mimosas de Bormes, pour se perdre dans le vieux village au crépuscule et retrouver la sympathique équipe d’AquaBormes. Cette sortie fut sauvée de justesse, sur le fil de rasoir de la météo et autres mauvaises blagues, mais parfois, le hasard est heureux….
Quelques données techniques :
Coût par personne : 150 euros ( hors transport )
Coût pour l’ASSP Plongée : environ 1000 euros
Organisateur : Sylvain Dupuy